La citation du jour #66 du 13 juin 2024

« Les sujets que je traite m’effraient. Lorsque je m’en empare, on peut considérer que j’essaye de les maîtriser, et de les apprivoiser, et, ce faisant, d’apprivoiser mes peurs, de les dominer, en redonnant de l’ordre au chaos pour, en quelque sorte, rétablir le chaos. »*

* DOA, page 110, DOA, rétablir le chaos, Élise Lépine (Playlist Society, Collection « Face B »)

La citation du jour attire l’œil du lecteur, de la lectrice, sur un passage particulièrement frappant d’un livre ou d’une déclaration tout aussi fracassante. Ce n’est évidemment qu’un prétexte pour aller au-delà de cet extrait, de cette déclaration. C’est ainsi que j’ajoute aux mots de l’auteur(e) quelques lignes, parfois. FB.

Quand on lui demande s’il pense qu’il existe des écrivains qui publient de très bons romans sans sortir des sentiers battus, voilà ce que DOA répond :

« Créer n’est pas facile. Il y a les gens qui le font bien, et les tâcherons. Le risque est le même pour tous : à un moment donné, un auteur écrit quelque chose de très bien qui rencontre un public. La tentation arrive alors de rester arrimé à ce modèle, comme les auteurs de polars nordiques scotchés à leurs personnages de flics à sandwiches tachés de moutarde sur le pull-over, lents, dépressifs, et pères d’enfants difficiles qui, comme par hasard, rencontrent tous les tueurs en série de leur pays respectifs dans le petit coin perdu où chacun d’entre eux habite. Simenon fait ça très bien avec Maigret, mais n’est pas Simenon qui veut. Certains auteurs américains excellent aussi dans ce procédé. D’autres s’épuisent vite. » (p.114, DOA, rétablir le chaos d’Élise Lépine (Playlist Society, Collection « Face B », 2023, 155 pages, 10€).

Décrire froidement le réel

Après une introduction tentant de cerner un DOA qui « ne se présente jamais comme un auteur engagé politiquement. Il ne prend pas parti, n’impose aucun point de vue, décrit froidement le réel. » (p.19), place à l’entretien. Le début est un peu long, diesel, le temps de chauffe nécessaire au ronronnement de la machine à créer peut-être, mais rapidement le ton monte et DOA se livre sur ses lectures (Ellroy fait partie de ses grandes émotions de lecture mais il pense qu’aujourd’hui il s’auto-caricature, par exemple, p.49-50) et surtout sur son processus de création et les retours des lecteurs, ses relations avec ses collègues (comme avec Dominique Manotti avec qui il a écrit L’Honorable société, Gallimard, Série noire, 2011) et c’est franc et passionnant (guidé qu’il est par les questions intelligentes d’Élise Lépine). Pour celle ou celui qui la lu Citoyens clandestins ou Pukhtu (Gallimard, Série noire, 2007, 2015, 2016). Pour les autres pas sûr que ce soit la meilleure entrée. Le mieux est de se faire une idée en ouvrant un de ses ouvrages. Peut-être allez-vous avoir une grande émotion de lecture…

François Braud

Papier écrit en écoutant Zenzile, Sound Patrol. Le tableau qui sert de fond (Un noir de pluie) et de chaos à la photogrpahie du livre est de Valérie Izquierdo. Livre acheté en librairie, ici. Retrouvez DOA sur bbb avec Rétiaire(s) ou Pukhtu (I et II).