« C’est toujours un plaisir de lire Sylvain Tesson, aventurier autrement plus équipé que moi pour le Grand Nord, capable de décrire hommes et paysages avec une minutie passionnante et érudite. Et puis soudain le coup dans les gencives.
« Ce soir, je finis un polar. Je sors de cette lecture comme d’un dîner chez McDo : écœuré, légèrement honteux. Le livre est trépident. Sitôt refermé, on l’oublie. Quatre cent pages pour savoir si Mac Douglas a découpé Mac Farlane au couteau ou au pic à glace*. »
Oh non, Sylvain, pas toi… Toi dont je ferais volontiers un frère… Eh Sylvain ! C’est comme si j’écrivais que les récits de voyage en contrées hostiles se résumaient à savoir comment on allume un feu sous la neige ou dépecer un poisson avec les dents : un cliché éculé ou le dédain aristocratique frise l’ignorance crasse. L’aspect Cluedo du polar nous renvoie à Agatha Christie, Sylvain, comme si la musique s’était arrêtée à la musette ou au charleston : lis Antoine Chaînas, Marcus Malte ou Hervé Le Corre, tu verras qu’on y parle pas plus de chandelier que de petit salon, que leur style vaut bien celui de toutes les vieilles badernes de la Vraie Littérature endormies devant leur reflet, et tu reviendras à toi, le cerveau comme déjavellisé! »
(pages 99-100)
Norilsk de Cary Férey, Le Livre de poche (n°35356), 2019, 154 pages, 7€20
* Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie, Folio, 2013
* Citation du jour # du 22 juin 2019 : c’est là. J’avais lancé un Cluedo d’ailleurs mais personne n’a trouvé l’assassin…
Bonne lecture et couvrez-vous bien.
François Braud
bro blog black 