Haïkaisations# 42

« Michel Lebrun est avant tout un romancier, bouffeur de genres, amateur de bizarreries structurelles, passionné de jeux en écritures, amoureux des motzarts et des cales à hambourg, avaleur d’intrigues comme s’il en pleuvait. » (Éric Libiot)

L’Haïkaisation est une formidable invention. Rubrique qui va faciliter la vie du lecteur. Comment résumer un livre en une phrase ? Facile. Il suffit pour cela de prendre le début du roman et sa fin et d’en faire une phrase. Procédé génial (d’après le Haïku) inventée par Michel Lebrun. Qu’il en soit ici remercié. FB

Il était temps de lui rendre hommage, pensez, 41 haïkaisations et pas une de Michel Lebrun habemus papam. Pas correct. Sous sa soutane, le bougre avait de quoi vous retourner tous les sens. Écrivain plutôt oublié, on va y remédier à ranimer sa flamme*. Mais avant, on va s’entraîner plutôt sept fois qu’une.

* Comme Éric Libiot le faisait du temps de Caïn

Comment faire d’une pierre huit coups ?

1. « Elle sort de l’obscurité du labo et se perd dans la nuit. «  C’est l’insurrection qui vient que ce roman d’Elsa Marpeau (Black Blocs) paru à la Série Noire, un véritable plaidoyer pour que le citoyen reprenne à son compte juste une idée : Sous quelque angle qu’on le prenne, le présent est sans issue. La preuve par l’haïkaïsation.

2. « Adrian Calvert fit l’horrible découverte : on n’entendait que leurs cris.« . Le jeune fils de Jack, flic peintre ou peintre flic, déterre un os humain. On sait aujourd’hui que tout parle. Mais sait-on que les morts crient ? Sam Millar le sait, et Poussière tu seras nous le démontre chez Fayard Noir.

3. « Roissy. Terminal en sanglots. » Fuir, c’est pleurer. Dans l’ombre, des hommes, des femmes ne dorment plus et finissent sous la lumière. On ne peut pas toujours se cacher, se montrer, c’est mourir, se cacher, c’est mourir. Rien ne semble dans Moskova (Atelier in8) d’Anne Secret une solution. L’histoire rattrape tout le monde, elle ne repasse rarement les mêmes plats ou alors ils n’ont plus le même goût.

4. « L’histoire débute par personne d’autre.«  Par contre, celle de Kurt Wallander se termine au bout des 592 pages de L’homme inquiet d’Henning Mankell (Points Seuil), enfin, pour nous, car pour lui les années qu’il lui reste à vivre, peut-être une dizaine, peut-être davantage, n’appartiennent qu’à lui. Et c’est tant mieux. On quitte Kurt avec ce pincement au cœur que l’on a quand on sait que l’on va perdre un ami mais qu’il restera toujours en nous parce que nous refusons l’oubli.

5. « L’animal vient des taupes. » L’auteur aime les bêtes. Chacun de ses romans en met une en avant : éthéré comme le frelon (Le bal des frelons) ou souterrainne comme la taupe. Dans cet inventaire à la Pascal Dessaint (Rivages Thriller), on sent du Siniac voire du Thompson : on rit à la farce mais l’homme en est surement le dindon. Roboratif.

6. « Mine de rien demain j’arrête.«   Il a une volonté de fer pour continuer à se camer le personnage anémié de Max Obione, flouté par les photos de Hugo Miserey dans une production de Krakoen. Mine de rien, un flash bad trip. Car il faut redescendre, toujours. Plus bas souvent. Haut en noir et blanc que ce petit ouvrage.

7. « Raymonde prêta l’oreille dans l’ombre profonde.«  Pour entendre quoi ? qui ? Ben Lupin tiens. Pour ceux qui à l’annonce du nom ne pense qu’au gentelman cambrioleur de Dutronc sous les traits de Georges Descrières, il est temps de revenir à la source Maurice Leblanc (L’aguille creuse, Points Seuil 2.). Délicieusement whodunit.

Il en manque une. Michel, le dernier mot est pour toi ; « Sa montre marquait minuit ; foutu métier.« (Candidat au suicide, Michel Lebrun, Presses de la Cité)

François Braud

papier déjà paru sur le site de noir comme polar de Clémentine Thiébault et remanié aujourd’hui

papier écrit en écoutant Arthur H, Quai n°3