Bang #2

Rubrique « coup de gueule », histoire de se lâcher, de s’énerver, pas trop, mais un peu quand même. Parce que, merde, je reste humain quoi. Y a pas mort d’homme mais il fallait que ça sorte… Je vais m’attirer des ennuis mais qui ne s’en attire pas, hein…

bangIllustration : don de Mme Pylette

Le coup du bandeau

Ça m’énerve.

Le coup du bandeau.

Certes, on ne l’avait pas pu venir. Pourtant, il y avait le coup du père François, définitif. Le coup de tête, de Patrick, rédhibitoire. Le coup de Sirocco, merci Roger. Le cou de Cléopâtre, non c’était le nez. Le coupe-chou, bien ras sur la nuque. Le coup franc, pas forcément honnête. Le coup de grâce, non, je tiens à vous conserver vivant. Le coup de gueule, c’est bang, non ?

Mais le coup du bandeau, il est d’un autre niveau. Il est cauteleux.

Vous avez remarqué ? Non ? Les livres, quand ils sortent, désormais, se revêtent d’un bandeau. Non ? Vous n’avez pas fait attention ? Vous êtes bien les seuls. Moi, ça m’agace. Un peu. Ça m’énerve. Beaucoup.

Ça fleurit. Ça pullule. Ça se reproduit même. C’est dingue. Vlatipa que la nouveauté s’orne maintenant d’une belle horizontalité de couleur rouge, le plus souvent, voire fluo jaune citron, avec, dessus, du texte, écrit en gros pour les hypermétropes que nous sommes, quasi aveugles, entubés du bulbe, orphelins de synapses, borgnes d’intelligence.

Ça et là, on peut lire : 2 voix au Goncourt (pas de chance, trois j’aurais acheté mais deux, c’est maigre), Par l’auteur de (j’avais pas lu cet auteur, pourquoi je lirai maintenant), Déjà 100 000 exemplaires (ha ? la qualité se mesure à la vente maintenant ?), Par Dupont Durand (c’est déjà écrit en haut du livre, je suis pas niais) et avec la photo de l’auteur (qu’il est laid), Prix 2016 de l’Amicale des sapeurs-pompiers de Mouilleron-le-Captif (c’est où ça ?), Jouissif (je jouirais si j’en ai envie), Étonnant (pour m’étonner, je lis Desproges, non ?), Consternant (non, là, je déconne mais si je voyais un tel bandeau, j’achèterai, même à découvert), Au cinéma Il faut faire confiance à la nuit (c’est un plus ?), Adapté à la télé (c’est un moins ?), Le dernier Dubois Dujardin (j’ai pas lu le premier), Il faut lire ce livre (je fais ce que je veux), Enfin réédité (était-ce nécessaire ?), Culte (On est dans un pays laïque)…

Je sais bien que c’est un tue-mouches commercial, un attrape-nigauds, un moyen de se faire remarquer car, un livre, aujourd’hui, n’a une durée de vie qui ne dépasse pas trois mois. Certes, mais croyez-vous les zamis, que le remède ne soit pas plus dangereux que le mal ? Hein ?

Remarquez, je pense aux petites mains qui ont plié le bandeau, l’ont enroulé autour du livre tout en pensant au salaire de misère qu’on leur octroie en fin de mois, qui commence, comme chacune le sait le 2.

Ne soyons pas aigris, un bandeau peut toujours servir à quelque chose, un marque-page, par exemple, une règle pour rayer les passages chiants dans le livre, un filtre pour une cigarette qui fait rire, mauvais exemple pour la jeunesse.

C’est vrai, je le reconnais, je n’ai jamais eu de bandeau pour mes livres. Aurais-je aimé en avoir un ? Non. Mais s’il fallait que j’en accepte un, je propose les solutions suivantes :

N’avez-vous rien d’autre à faire qu’acheter ce livre ?

Vous êtes vraiment sûr de vouloir lire ça ?

Aucun prix, aucune adaptation ciné ou télé.

Si vous l’achetez, ça fera au moins un exemplaire vendu.

Par un auteur inconnu.

Sur la photo, je me la pète un peu.

La photo a été prise il y dix ans. Bon, vingt.

Écrit à la main sous perfusion de muscadet.

Intraduisible.

Impossible d’en faire un film, un téléfilm, voire une série sur internet.

Prix polar de la meilleure page 85 (ça a existé ! Je vous en reparlerai dans un Bang ultérieur, lorsque je m’énerverai sur les prix littéraires).

Le premier et dernier livre de.

Aucune voix au Goncourt, tu m’étonnes…

Prix que je me suis donné moi-même, après réflexion, mûre.

Illisible.

Ça aurait de la gueule, non ?

Bon, de toute façon, je n’en suis pas là. Pas de livre en préparation chez un éditeur, donc pas de bandeau en prévision.

Pas la peine de s’énerver.

Si ?

Si. Ne nous prenez pas pour des cons. Laissez-nous choisir le livre que nous avons envie d’acheter. Pas la peine de ramer, vous attaquez la falaise, comme disait l’autre. Laissez-nous discuter avec le libraire, prendre un livre, pas forcément dans une pile, habillé et mis en avant, avec force arguments commerciaux, sans nous en mettre plein la vue. C’est tout ce qui nous reste. La liberté. Faites pas chier avec vos bandeaux, merde. On est grands. Vous êtes petits. Et toc !

FB

 

 

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