Du lourd

Avec Deon Meyer (L’année du lion), Dennis Lehane (Après la chute) et DOA (Pukhtu secundo), les éditeurs sortent la grosse artillerie.

Le premier (Le Seuil) nous offre une dystopie réaliste. L’humanité a été victime d’une fièvre qui a décimé les 9/10ème de la population mondiale et a miraculeusement épargné quelques-unes et quelques-uns. Nous sommes en Afrique du sud (patrie de Meyer) et suivons un père (dont nous apprenons la mort dès les premières lignes mais nous en ignorons l’assassin) et son jeune fils (le narrateur) qui survivent comme ils peuvent dans un monde dans lequel il faut se méfier des meutes de chiens revenus à l’état sauvage, des bikers qui pillent et assassinent pour survivre, d’un possible retour de la fièvre, de mystérieux militaires aux rangers grises, d’hélicoptères qui sillonnent le ciel quand le carburant manque… Une fin de monde terrifiante. Mais l’espoir est dans le projet de ce père qui veut monter une communauté basée sur la liberté et l’entraide. Pour son fils, pour l’humanité qui doit renaître.

Plus de 600 pages de noirceur humaine pour nous suggérer que quand tout est perdu, l’homme a tout à gagner ? Ça se discute. C’est le propos du livre.

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Deuxième pavé publié chez Rivages, par l’auteur de Mystic river, d’Ils vivent la nuit. Lehane livre le roman psychologique d’une femme en perdition et un thriller diabolique sur fond de quête d’identité. Elle, c’est une journaliste qui craque en direct au cours d’un reportage en Haïti. Elle perd son sang-froid et dans la foulée son job, son mari, ses certitudes. La chute prend d’autant plus d’ampleur qu’elle a perdu sa mère et recherche l’identité de son père inconnu. Au fond du trou, l’espoir prend le nom d’un homme : Brian Delacroix. Il va la sauver ? Vraiment ? Connaît-on vraiment ceux que l’on aime ? Sa mère ? Son père ? Son mari ?

Plus de 400 pages sur l’identité pour nous faire réfléchir sur cette idée : est-on ce qu’on est ou ce que l’on fait ? Ça se discute. C’est le propos du livre.

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Troisième monument chez Gallimard (Série noire) de la part d’un auteur qui, sous le pseudonyme DOA a déjà livré de grands livres (Citoyens clandestins pour ne citer que celui-ci), qui se cache dans une époque où tout le monde se livre, sur le net, il est heureux qu’on en sache peu sur lui. Puktu secundo est la suite et la fin de Pukhtu primo. On y croise, en Afghanistan, barbouzes et talibans, qui tentent de survivre dans ce pays dévasté. Plus qu’un livre, c’est un document sur la situation géopolitique en Afghanistan avec lexique, liste des personnages, cartes et playlist. Impossible à résumer ; d’ailleurs l’auteur nous fait l’honneur d’un précédemment dans Pukhtu primo de plusieurs pages. C’est vous dire si le chroniqueur ressent de l’humilité à vous en parler. L’auteur n’a aucun message faire passer. Si ce n’est celle de pousser au maximum un réalisme, d’écrire un grand roman noir ou tout simplement un grand roman. Écrire sans cliché, sans fioriture, froidement avec la passion humaine vissé au cœur. Regarder autrement les choses, les hommes, leurs actes.

Plus de 600 pages pour nous faire réfléchir sur ce que nous faisons là-bas ou sur ce que nous ne faisons pas. Ça se discute. C’est le propos du livre.

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Alors ?

Qu’en penser ?

Ce sont, une évidence, des pavés à la verve narrative redoutable, ciselée, au suspense indéniable, page-turner à foison, personnages doubles, roubles et troubles. Rien à redire, c’est du bon, du lourd, du mastoc.

Pourtant. Il y a comme un sentiment naissant quand on referme, la nuit bien avancée, ces pavés. Quelque chose qui n’est ni de l’ordre du froid ni de celui du chaud. Plutôt du mitigé. On a passé un bon moment de lecture, on n’a pas lâché le livre, on voulait savoir. Mais quand on a su, on s’est dit qu’on préférait le début à la fin. L’attente était meilleure que la lecture. Le plaisir de l’escalier en quelque sorte. Mais n’en veut-on pas toujours davantage ? Est-il bon de réaliser ses fantasmes ? Faut-il plisser des yeux pour réfléchir ?

Ça se discute. C’est le propos de ce papier.

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Et puis, le temps faisant son affaire. On oublie les scories pour ne retenir que l’essentiel. Le souvenir de grands moments. Comme l’ami qui a vous a au moins déçu une fois, on se dit que l’on a de la chance de l’avoir, de le connaître, de l’avoir à ses côtés. Alors, on est plus tendre, plus humain en quelque sorte.

Le temps n’est pas toujours assassin.

Ça se discute vous me direz, hein ?

François Braud

 

4 réflexions sur “Du lourd

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