QZB#19 Antigone peut-être (album jeunesse)

« La liberté de dire non, la liberté d’en mourir. »*

* postface de Martine Delerm

QZB est le code de la rubrique La QuinZaine du Blanc. Je me suis dit que dans toute publication qui met en avant la littérature, il y a toujours une petite place pour le noir. Dans BBB, désormais, il y aura une petite place pour le blanc. Ce sera donc l’occasion de plonger donc dans le grand bain blanc adulte ou de déguster et siroter un petit blanc jeune. Parce qu’au fond, le livre se fout le plus souvent des cases, des couleurs et des âges. FB

Attention, vous allez ouvrir un album jeunesse !

Aujourd’hui, focus sur un album de 2007, republié en 2022 et qu’il sera nécessaire, sûrement, malheureusement, de publier à nouveau car le sujet est inépuisable. L’enfance des filles est, ici-bas, ici-même en 2023, souvent, dans des lieux qui sont plus proches de nos vies que l’on croit, étouffée, parquée, dévoyée, coincée, invisibilisée. Il faut lire et faire lire Antigone peut-être, Martine Delerm, Cipango, 2022, 19€

François Braud

Elles n’ont pas de bouche

Elles n’ont pas de bouche et elles vont pieds nus.

La parole leur a été volée et elles ne peuvent pas s’éloigner de leurs voleurs. Leurs fenêtres n’ont plus de verre, mais sont barrées de fer. Leurs yeux n’ont plus de larmes et elles ont perdu leur âge. Leurs chemins sont parsemés d’éclats des rires qui jamais ne retentissent.

Elles, ce sont les passantes qui ne passent pas l’âge de l’enfance qu’on leur refuse. Leurs, ce sont ce qui leur reste, leurs pas assez, leur trop, c’est toujours pour elles.

Les mots Martine Delerm sont confondants. Les lire, c’est les sentir dans sa chair, les lire c’est les enfoncer dans leur chair.

Les illustrations de Martine Delerm ont pour décor un horizon inatteignable, une forêt qui ressemble à des barreaux, des fenêtres de roche, des éclats de verre.

Derrière les petites filles, il y a les hommes.

Antigone, fille et sœur du destin ne craint pas la mort : elle la regarde droit dans les yeux. Sa liberté a la forme d’une corde au cou. Ses yeux se voilent mais sait-on jamais quand un regard s’éteint ? Le sien est nyctalope.

Elles s’appellent… peut-être plus sûrement Tatiana, Fatia, Juliette, Dolma, Keïko, Émilie… Et si elles ne voient plus le soleil, c’est qu’on leur fait de l’ombre. On est un homme.

Et si vous pensez que ce n’est pas un album jeunesse, c’est encore que vous leur donnez bien peu d’importance et d’intelligence et que vous oubliez qu’elles n’ont pas d’âge puisqu’on leur vole leur enfance. Laissez-leur le choix d’ouvrir un livre, une porte vers ce qu’il y a devant : l’horizon, la forêt, les barreaux de la fenêtre, les fils barbelés…

C’est « un texte qui veut avancer mais fait du surplace. Un texte qui s’entête, qui se heurte au silence. »

François Braud

papier écrit dans le silence qui bruisse, sourd et hurle à nos oreilles

2 réflexions sur “QZB#19 Antigone peut-être (album jeunesse)

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