« Les dents blanches tuent le sourire. »

« La même main caresse et tue. Le souvenir du couteau. »*

* note de l’auteur en fin de volume

Okavango – de Caryl Férey (Gallimard, 2023, 526 pages, 21€) est un des 10 polars de l’année 2023 ! Les 10 polars de l’année 2023 seront présentés lors d’une conférence à la médiathèque du Poiré sur vie le samedi 9 décembre 2023 à 11 heures (sur réservation). Régulièrement, sur bbb, un des livres sera mis en avant.

La liste en cours : Free Queens de Marin Ledun, Sans collier de Michèle Pedinielli, Revolver de Duane Swierczynski, La Femme paradis de Pierre Chavagné, Le Sang de nos ennemis de Gérard Lecas, Sambre, Radioscopie d’un fait divers dAlice Géraud, La Mariée de corail de Roxanne Bouchard et Le Silence de Dennis Lehane. À suivre, le dernier polar de l’année 2023, toujours sur bbb.

De désespoir. « Avant que l’humanité n’achève l’extermination en cours et ne s’autodétruise. » (page 190)

De rage : « La girafe qui (…) posait le pied [sur le piège] crevait le plateau, les fines pointes de bambou se refermaient vers le bas, empêchant la patte de ressortir, et plus la girafe remuait son membre entravé, plus le nœud coulant se resserrait. Elle donnait fatalement un grand coup de patte pour se dégager et la lame tranchante du glaive venait sectionner ses jarrets. » (page 38)

D’amour : « C’est comme si je te sentais dans mon sang (…), comme les bêtes, tu es le même amour, la même colère. » (page 439)

Okavango est un fleuve dont « le delta, patrimoine mondial de la biodiversité » est « un lieu unique pour les animaux migrants à sa saison sèche ». Au cœur du « Kalahari – la « grande soif » qui recouvre les 3/4 du Botswana et la zone est de la Namibie. » (page 25) vit une faune sauvage que protègent les rangers comme Solanah la Botswanaise et Seth le Namibien d’ethnie ovambo ou les protecteurs privés comme le blanc afrikaner John Latham, et son ombre le San N/kon, propriétaire de Wild Bunch, une réserve hautement surveillée (électroniquement, barrières électrifiées), comme « un musée animal bien vivant » (page 105). C’est pourtant là qu’on retrouve le corps d’un jeune homme, un pisteur, un Khoï, peuple indigène cousin des San (qui parlent tous les deux avec des « clics« ), le dos lacéré.

Si l’enquête est confiée plus aux rangers qu’à la police c’est que l’on soupçonne que sa mort soit liée aux braconniers qui sévissent tant on attribue aux griffes de lions, aux cornes de rhinocéros, à l’ivoire des défenses d’éléphant ou à leur peau… des vertus aphrodisiaques, médicales et gastronomiques qu’on vend à des prix astronomiques (50 000 dollars le kilo de cornes de rhinocéros – p.22). Et comme il y a de la demande, il y a de l’offre et ça c’est le secteur de Du Plessis, le Scorpion. Il est justement en train de conclure un deal quand son neveu l’appelle : « On a un problème (…) le deuxième pisteur n’est pas revenu. » (page 23)

Le thriller est construit au ciment prise rapide et se lit avec une fluidité confondante. Tout y est agencé pour faire de cette lecture une passionnante aventure. On y apprend sans leçon et on y voyage avec passion. Caryl Férey livre des pages sublimes et dures de description d’animaux, sans anthropomorphisme (« les animaux ne sont ni gentils ni méchants » – page 31) ni militantisme gnangnan mais avec le souci du respect et la rage humaine. Si « la lucidité est la blessure la plus proche du soleil » (René Char), « les dents blanches tuent le sourire ». (page 191)

Alors si les animaux s’adaptent, les hommes eux s’aveuglent : « Une gamine formidable, qui verrait peut-être la fin de l’humanité si elle continuait à utiliser trois cent litres d’eau par jour. » (page 67).

Pourtant : « Les voir, [les bêtes libres et sauvages, parfois hors des réserves] est bouleversant, ou alors on est un caillou. » (postface de l’auteur).

François Braud

Papier écrit en écoutant les Clash, London calling. Quoi, vous croyez quoi, que j’allais écouter Le lion est mort d’Henri Salvador ? Même si j’ai un faible pour Henri, il fallait du Joe Strummer, du rif et une jambe gauche tapant la mesure pour réveiller la Terre et ceux qui dorment dessus. J’ai connu Caryl Férey dans les festivals du polar des années 90, il était chez Balle d’argent, les moins de vingt ans…. Je ne rate, depuis, aucun de ses livres. Celui-ci m’a été envoyé par Christelle Mata de la Série noire, merci à elle. papier recensé sur bibliosurf. Merci.

10 réflexions sur “« Les dents blanches tuent le sourire. »

  1. La dernière fois que j’ai lu un polar se déroulant en Afrique avec un lion sur la couverture c’était « Entre fauves » de Colin Niel qui ne m’a pas plu du tout. Depuis, je me méfie des lions, faut toujours se méfier des lions…

    J’aime

  2. Pingback: Prière de déranger | bro blog black

  3. Pingback: Les 10 polars de l’année 2023 | bro blog black

  4. Pingback: Le top 10, 2023 de nos lecteurices : #9 François – Collectif polar : chronique de nuit

  5. Pingback: Le 53e Prix Mystère de la Critique 2024 | bro blog black

  6. Pingback: Plus un animal est menacé… plus il est menacé. | bro blog black

Laisser un commentaire