Sommes-nous des pions ou des joueurs de go ?

« De l’arbre chenu, la feuille se détache, et tombe nue. »*

* Haïkus ordinaires, フランコイ

Dans le rétro se propose de regarder un peu en arrière car tout va trop vite et l’actualité couchant avec l’immédiateté, très vite, tout devient caduque. Le livre est périssable et certains aimerait voir sa date de péremption égaler trois mois (ce qui est le cas, paraît-il, en librairie). Sur BBB, que nenni morbleu. L’avenir appartient au passé toujours présent en nous comme celles qui nous ont quitté (Mo Hayder) et ceux qui sont morts (Jean-Jacques Reboux). Dans le rétro puisera donc dans Caïn, Shanghai Express, Noir comme polar, 813 ou Émancipation (dans lesquels le critique qui joue du clavier aujourd’hui était/est un membre de l’orchestre) un peu d’eau pour nous rafraîchir en ces temps subsahariens. FB

Aujourd’hui au programme : Retour sur un hommage de Don Winslow à Trevanian. L’auteur de La Cité en flammes reprend le personnage de Trevanian, Nicholaï Hel, héros de Shibumi.

1000 signes, titre et signatures exclus

Joueurs de go

« Nicolas Hel regarda la feuille d’érable tomber de la branche, flotter dans la légère brise, puis se poser doucement sur le sol. »

Ainsi débute Satori de Don Winslow (JC Lattès). On peut ne pas goûter aux romans d’espionnage et ne pas connaître Trevanian. Pourtant, ce serait une erreur que de se priver de plonger au cœur de la guerre froide, dans laquelle les deux blocs pratiquent le jeu de go en alignant les pierres blanches ou noires, sacrifiant des unités au nom de la raison d’État.

Hel, tueur tombé aux mains des Ricains, doit s’acquitter d’une mission : tuer un commissaire soviétique. Sa cible est une vieille blessure personnelle et la cicatriser lui permettra de s’offrir une nouvelle vie, un nouveau passeport. Mais Nicolas cherche autre chose, le but ultime, l’éveil spirituel.

« Il regarda par la fenêtre et vit la pluie battante arracher une feuille à une branche. La feuille flotta jusqu’au sol, scintillante, dorée et verte dans la pluie. Satori. »

Ainsi se termine Satori de Winslow.

Ce papier est paru le 07/02/2012 dans Émancipation.

Satori de Don Winslow, traduit par Richard Cunningham, Lattès, 2011, 411 pages, 22€

Shibumi de Trevanian, traduit par Anne Damour, Gallmeister, 2008, 445 pages, 24€ (en poche 12€ chez le même éditeur)

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François Braud