Tout déborde, les mains ne peuvent rien retenir, jamais

Il cogne. Ba-Ba-Bam ! Trois coups dans le ventre.

Certains parlent avec les mains. D’autres ont l’éloquence sur la langue. Lui, il parle avec ses poings.

Tout le monde pense qu’il a un problème au collège. Les élèves, les pions. Les profs aussi. Même les adultes ont peur de lui.

Sa mère, elle, elle communique avec des trémolos dans la voix : Blaise !

Elle le fatigue. Elle le dégoûte. Elle l’énerve. Tout le fatigue. Tout le dégoûte. Tout l’énerve.

Sauf, peut-être, lorsqu’il est place de la Fontaine. Avec ses potes, trois, plus âgés.

Ils fument. Ils boivent. Ils s’ennuient. Ils emmerdent les passants, ils branchent les filles.

À plusieurs, c’est toujours plus facile.

Seul, du côté où il y a moins de lumières, il croise un type cagoulé dont les yeux ne le quittent pas.

Ce type cagoulé va devenir l’homme de ses cauchemars, la chose qui fond sur lui et l’avale.

C’est l’histoire d’un Il qui devient un Tu.

Alors tu te réveilles en sueur. Tout semble avoir changé et tu ne comprends pas. Tu n’as jamais rien compris. Alors, tu cognes.

Mais ça ne peut plus durer ? Tu sais ce que tu dois faire, tu le sais depuis longtemps.

Mais ça ne sert pas à grand-chose de décider, de devoir faire, de faire. Tu le découvres. Tu ouvres la bouche mais rien en sort. Tu n’essaies même pas de parler. D’ailleurs, tu n’as rien à dire.

Tu rentres chez toi. Tu fermes les poings. Tu serres autant que tu peux.

As-tu encore la force de te battre. Mais contre quoi ? Et surtout, contre qui ?

Cela te semble évident de le voir dans le type cagoulé. Mais, au fond de toi, sais-tu où il est, celui que tu cherches ? Sais-tu qui il est celui que tu suis ?

Et si c’était pour cela que tu cognes ? Parce que tu ne sais pas. Tu sais bien que tu ne sais pas. Mais tu ne sais pas que tu ne sais rien. Et ça, ça te fout en rogne. Alors tu cognes. Jusqu’à quand ?

Des poings dans le ventre, Benjamin Desmares, Rouergue, doado noir, 77 pages, 2017, 8€70

François Braud